Ah le pilier de bar! Véritable institution, il est trop souvent marginalisé par ses lieux de prédilection auxquels le commun des mortels n'ose se compromettre : les PMU.

Paris, qui se plaît parfois à mêler les genres, fait pourtant se croiser cet honnête citoyen et quelques étudiants au moment de cette grand' messe nationale : les happy hour.
Mal rasé (vraiment, pas à la Georges Clooney), la figure rougeaude, il vous aborde soudainement, heureux de rencontrer des partenaires de soulographie. Souvent présent depuis trois jours, il a en effet pris l'habitude de converser avec les meubles qui sont devenus ses meilleurs amis. Bien décidé à ne pas laisser passer l'occasion il répond "une tournée pour mes nouveaux meilleurs amis" au barman qui lui a demandé pour la quinzième fois de laisser les gens tranquilles, sur le ton de celui qui sait qu'il perd son temps.
En fait, le pilier veut impressionner le nouveau venu, le pied-tendre, lui faire comprendre qu'il a encore du travail avant de parvenir à son niveau. Il l'étourdit alors de lieux-communs, qui en contredisent d'autres, de théories de complot international et de formules bizarres destinées à déstabiliser l'inconscient qui s'est pris au jeu et qui, de fait, ne peut que rester silencieux après un "je suis un sarkozyste soixante-huitard"...
Lointain cousin du neveu de Rameau, impénitent bavard et rieur, le pilier est toujours sympathique, quoiqu'un poil relou. Il est la dernière grande figure rabelaisienne d'une France qui s'aseptise. Hommage.

Un soir de novembre, dans un bar du 18ème. Merci à Jean pour l'avoir fait parler!