Le dernier des bouffons
Dégustant une petite blanquette de veau aux "Charpentiers", vers Odéon-St-Michel en ce frigorifique dimanche de décembre, ma mastication s'interrompt à l'entrée d'un vendeur de journaux. Moi qui croyais que les vendeurs de rue n'existaient que dans les vieux films et les Tintins!
Les dévots de Bacchus
Ligne 6. Un dimanche soir. Les gens s'apprêtent à rentrer se coucher et la perspective d'un nouveau lundi ne rend pas tout ce petit monde joyeux. Glacière. Deux types, guitares et bouteilles à la main rentrent en trombe dans la rame. Visiblement bien entamés, ils chantent et poussent des grognements. L'un des deux crie même "Allez! Viens! on va se faire un blouson de métro!". Les gens, vaguement inquiets, se retournent puis se calment à la vue du petit homme agressif mais chétif. Finalement il se ravise, et se met à jouer de l'harmonica, se disant sans doute que c'est moins dangereux. L'autre, qu'on avait pas trop entendu jusque-là, tire sa guitare et se met à baragouiner un truc vaguement espagnol. Puis il se met à gueuler-chanter d'une voix rude et gutturale, une voix d'ivrogne quoi. Et, ô surprise, cette voix si originale, cet espagnol si pittoresque, ces instruments si bien joués forment un ensemble assez harmonieux. On en redemanderait presque. Certains voyageurs retrouvent le sourire, d'autres rient et la plupart applaudissent. C'est émouvant, au moins autant qu'un film du dimanche soir. Voir une vingtaine de personnes soudainement joyeuses dans le métro, ça n'a pas de prix. La sortie fracassante des deux compères non plus. L'ivrogne génial s'étale sur le quai avec sa guitare, et conclut ainsi superbement une prestation étonnante, où se mêlent le vin, l'art, et l'image de la condition humaine...
Espèce protégée
Ah le pilier de bar! Véritable institution, il est trop souvent marginalisé par ses lieux de prédilection auxquels le commun des mortels n'ose se compromettre : les PMU.
J'étais à THIS IS IT
Et oui, chacun a ses vices...j'aime, à l'occasion, me transformer en groupi (sans "e") de Michael Jackson. Hier soir, je me suis donc dirigé vers le Grand Rex, où était projeté This is it, dernière occasion pour les producteurs de se faire du blé grâce aux talents de la créature.
Je m'attendais à rencontrer une foule de fans, le chef couvert du célèbre Fedora. Ouais. Dans la file, papas, mamans, petites filles, couples trentenaires, adolescents et mammys (qui sont venues en nombre, ça fait peur) s'égrènent sur une trentaine de mètres. Je les considère. Mon pote, solennel, me fait : "C'est ça Michael Jackson, on ne laisse personne de côté!" Ouais. Ambiance du Dimanche donc. Par pour les ouvreurs, en costard et survoltés au moment de vérifier les billets. Concentré, suant, mais courtois, l'un d'eux me laisse passer en lâchant un "Allez-y Monsieur, passez une bonne soirée" tendu et à peine articulé. Mike Tyson à Las Vegas, c'était petit joueur. Ici c'est Paris, et ce soir Michael Jackson va rocker la capitale...sur un écran.
Je me demande si l'importance des évènements "culturels" ne se mesure pas au degré de sudation des ouvreurs.
J'oublie bien vite ces considérations hautement métaphysiques pour chercher une place dans la salle au plafond constellé d'étoiles. Après avoir fait trois fois le tour de la salle, et m'être entendu dire "faut pas rester debout c'est pas bien d'être debout" sur un mode toujours aussi excité, je me résigne à m'installer sur un strapontin merdique.
A côté de moi, deux grands-mères grignotent et papotent sous une couverture, un couple a carrément emporté les oreillers et s'apprête à se rouler des pelles sur Heal the world. Je peste en silence contre les grands-mères qui occupent les bonnes places. Est-ce que je vais aux concerts d'André Rieu moi?
Bon, ça commence et MJ apparaît à l'écran. La moitié de la salle pousse des cris hystériques. En haut les "vrais", qui ont patienté toute l'après-midi pour être bien placés. En bas, les familles.
Cette scission ne durera pas, car au fil du film Papa et Maman vont se laisser gagner par la fièvre, et se mettront, eux aussi, à applaudir allègrement les prouesses de l'écran 21/11 et du son Dolby Digital/DTS. Mes mammys sont enchantées par les tablettes des danseurs et émettent des petits "ho ho!", mon couple s'échauffe pour Heal the world. Le film est pas mal.
Après les "woohoo" lancés pour saluer la fin et le message de paix avec les ours blancs de Michael, les fans sortent et se dirigent vers le KFC le plus proche pour finir en beauté une si agréable soirée.
Je souris, pris de tendresse devant le spectacle de la plate inconséquence de l'Homme. J'ai l'impression qu'on la perçoit mieux à Paris, où elle est amplifiée par le nombre d'habitants.
Satisfait de mes profondes réflexions, je rentre, et m'endors avec Smooth Criminal dans la tête.
Voir Paris et mourir
Cette vidéo me donne raison : Le Paris-Vitrine tient en 10 minutes. Bon je sais je suis de mauvaise foi, mais c'est quand même bien pratique pour défendre mon idée.
Donc profitez-en, vous ne reverrez plus (de mon vivant, sur ce blog) d'images destinées à attirer les touristes japonais et américains qui, il faut bien le dire, nous volent notre ville.